Chambre d'écoute # 15 : Midlife Crisis : a new begining?
Merci à tous d’être là. Ce soir, c’est la première partie de 80moins1, notre week end concept pour les 40 d’Ingrid et mes 39 ans. Quel était le concept encore ? Rassembler nos amis et leurs enfants (les amis de nos enfants, en somme) pour deux jours dans un gîte au milieu de nulle part. Le pari était de taille car à l’heure du gsm et du mail (et de facebook et autres salades pseudo-communautaires) nous avons de moins en moins de temps pour une rencontre physique, encore moins en nombre. Il fallait aussi passer outre : outre la crainte de partager notre nuit avec des « étrangers ». Enfin, il fallait s’engager. Pas de jugement sur les absents bien sûr, mais un coup de chapeau pour les présents. Votre présence ici est le plus beau cadeau que vous puissiez nous faire. Place à la musique !
Introduction
Le temps passe et les années s’accumulent. On vieillit. Le cap des 30 n’est déjà pas une mince affaire, alors que penser des 40 ans ! Des événements, des lectures, des films nous montrent ce que c’est : le bon côté des choses et la face sombre.
L’idée de cette chambre d’écoute (et du week end peut-être aussi) est à trouver dans le bouquin (un peu trash psychology) de Françoise Millet-Bartoli : La Crise du milieu de la vie : une deuxième chance. La crise du milieu de la vie arrive entre 35 et 45 ans (ce n’est pas mathématiquement le milieu de la vie) et peut être une passe difficile pour certains (car elle charrie un certain nombre de remises en cause) ou, au contraire, une période d’épanouissement et de réalisation pour d’autres. Enfin, elle peut aussi être les deux à la fois.
Les musiques sélectionnées pour vous ce soir parlent de tout ça : le temps qui passe, les occasions ratées, les re-naissances, les envies de tout recommencer, la tentation de disparaître, etc.
Bonne écoute !
Remarque : comme la sélection est mixée, vous éprouverez peut-être des difficultés à suivre l’ordre de passage. Pour remédier à ce problème, j’afficherai un n° correspond au n° du morceau en cours.
Midflife Crisis : a new begining ?>>>>>>>>Tracklist
1/Larsen : Rebirth (Important Records)
Ce label, c’est mon nouveau port d’attache musical. Il y a dix qu’il existe et 200 disques audacieux ont vu le jour. La musique de Larsen est souvent lente et hypnotique, parfois bruyante. J’ai choisi ce morceau car il porte le titre évocateur de renaissance. L’idée de renaître est tentante. Etre vierge de toute expérience. « La première fois que… » Je vous laisse terminer la phrase.
2/Them Use Them : Able ()
Ce groupe est le projet de, originaire de Birgmingham. Il trouve ici sa place car son titre contient ce mot simple Able (capable en français). De quoi suis-je encore capable ? Samedi passé, alors qu’Ingrid était en Angleterre et que les enfants étaient chez leur grand-mère, je suis sorti toute la nuit jusqu’à 6 heures du matin. Vers 1h, un mal de dos a presque eu raison de mes vélléités de conjurer les effets du temps heureusement un Brufen au fond de ma poche m’a permis de gagner la partie. Je suis encore capable (able) de sortir comme un post-ado. Une victoire !
3/Barbara Carlotti : Mademoiselle oposum (4AD)
Cette jeune chanteuse française a l’immense privilège d’avoir été signée sur le prestigieux label 4AD (de Pixies et Dead Can Dance jusqu’à TV on The Radio). Les textes sont charmants et l’instrumentation a l’énergie et la finesse qui manquent à beaucoup de hérauts de la nouvelle chanson française. Ici la belle raconte l’histoire d’une petite annonce qui cherche un homme disparu. A 40 ans, l’idée de disparaître de la surface de la terre pour refaire sa vie ailleurs a dû effleurer l’esprit de certains. Moi-même, une fois par jour, j’ai envie de partir mais un millième de seconde après je côtoie l’évidence : Ingrid, c’est mon port d’attache. Ce qui compte, je crois, c’est l’idée de partir (On th road comme Jack Kerouac) d’une façon ou d’une autre.
4/Lykke Li : I’m good, I’m gone (LL Recordings)
Encore une jeune chanteuse qui nous vient de Suède. Sortie de nulle part, elle est beaucoup passée sur Pure FM. Dans cette belle petite ballade pop, elle nous parle de la difficulté de travailler comme une bête : « passer sa vie à la gagner » comme ils disent. « I’m working, I’m working to make butter for my piece of bun ». Avec le temps qui passe plus vite qu’avant, le travail d’esclave devient de plus en plus une torture. De mon côté, j’ai résolu le problème : le métier de prof me permet bien souvent de gommer la frontière entre travail et loisir.
5/Masha Qrella : Unsolved remained (Morr Music)
La musique de Masha hésite entre la pop acoustique et l’électronique. Un pied dans la tradition, un autre dans un certain futur. Mais si je l’ai choisie, c’est pour le texte. Unsolved remained signifie Irrésolu et laissé en suspens et nous parle de tout ce qu’on n’a pas eu le temps d’accomplir et/ou de terminer ou, au contraire, de tout ce qu’on aurait voulu non-faire. Pour finir, Masha nous souffle qu’elle voudrait rester « entre les années ».
6/Orbital : Choice (FFRR)
Un clin d’œil à ma folle nuit de samedi passé. Danser intelligemment sur un morceau qui nous invite à faire des choix. C’est peut-être ça la crise du milieu de la vie : faire des choix entre le possible et le temps qui passe. Orbital est le projet des frères Hartnoll. Nommé d’après l’Orbital (La M25 qui encercle Londres – l’équivalent de notre Ring de Bruxelles), ces deux pionniers de la musique dance (c’est eux qui ont fait le premier vrai album de dance music) sont fascinés par la figure du cercle, une autre référence au temps, cyclique celle-là. L’éternel retour du même (ce concept de Nietzsche qui porte tant à confusion n’est pas le retour du même jusqu’à épuisement ; il s’agit plutôt de vivre le moment présent si intensément qu’on pourrait le revivre à l’infini. C’est un désir, pas une contrainte).
7/Kettel : Her thin voice (Neo Ouija)
Le projet du prolifique Reimer Eising sur le défunt label Neo Oujia. Ce morceau, je l’ai choisi pour l’idée d’une femme qui serait réduite à avoir une thin voice (une voie légère). Se faire entendre ou se faire discrète, tel serait le dilemme de cette femme de 40 ans. Porter ses choix ou renoncer. Manquer d’assurance jusqu’à devenir silencieuse. Je pense à l’héroïne de Revolutionary Road : rêver sa deuxième vie puis en devenir folle ou encore aux personnages de la romancière Laura Kasischke (par exemple La vie devant ses yeux) qui non-réalisent leur vie et dont la voix n’est pas entendue.
8/Benni Hemm Hemm : Ku Ui Po (Morr Music)
Ce compositeur finlandais nous parle d’amour : une autre dimension du temps qui passe. Comment situer la relation amoureuse dans la durée ? Je t’aime pour toujours : une parole d’ado qui nous place, nous adulescents éternels, devant le dilemme de nos sentiments. Benni Hemm Hemm essaie de nous/se convaincre que le temps qui passe n’a aucune prise sur son amour : « I love you more today – more today than yesterday – but I love you less today – less than I will tomorrow ».
9/Etienne Daho : le premier jour (Virgin)
La chanson qui a ouvert notre bal de mariage. Le premier jour (du reste de ta vie) est le titre qui résume le mieux le thème de ce soir. Ingrid a 40 ans ce jour. Nous fêtons nos 20 ans de vie commune et nos enfants fêtent leur 15moins2. Aujourd’hui est « le premier jour », c’ est juste une question de point de vue… Merci pour votre amitié.
Prolongements
Comme chaque fois, je vous propose de prolonger l’écoute par une petite activité culturelle. Il y a à quelques kilomètres d’ici, dans la cour de l’abbaye de Stavelot, une galerie d’art qui est, paraît-il, très belle. La galerie Triangle Bleu accueille pour le moment une exposition du peintre James Brown. The Planets Connected (titre de l’expo qui récolte trois étoiles dans l’article du MAD) donnent à voir « des myriades de points reliés au crayon ». James Brown, né en 1951 à Los Angeles, vit et travaille à Oaxaca au Mexique. Nous pourrons voir neuf peintures de grand format (210x340) qui inscrivent ce peintre dans la mouvance de Cy Twombly ou de Basquiat.
En plus ce travail prolonge habilement la chambre d’écoute car, dans l’interview du MAD, le peintre affirme que l’ « inspiration m’amène dans un travail obsessionnel, une réflexion sur le temps, une préparation à la méditation… »
Chambres d’écoute à venir
#10 DJ Culture : 5X10 (cinq DJ passent les dix morceaux qu’ils préfèrent pour danser). Toujours retardée mais elle arrive…(Hors-série)
#19 Masculin/féminin : gender studies : musique et identité sexuelle (série para//èle).
#17 Noise Vs. Silence : une double chambre d’écoute (avec tirage au sort pour savoir si on commence avec le bruit ou le silence) (série Versus)
#18 H2O les qualités sonores de l’or bleu (série les 4 éléments). Avec un bar à eaux minérales comme au Japon.
#16 Musique et politique (série Para//èle). Avec des politique en vue des élections régionales et européennes de juin. C’est la prochaine : elle aura lieu le mercredi 17 juin à Congrès (les détails suivront).
Ethique et statistiques
Les chambres d’écoute sont réalisées 100 % sans téléchargements illégaux. La majorité des musiques de ce soir sont achetées ou louées à la médiathèque. Les chambres d’écoute ne génèrent aucun profit et sont très chronophages pour les organisateurs. La TECC (la taxe pour l’écoute collective et contextuelle) sert à financer les divers petits frais.
En 2008, j’ai consigné scrupuleusement tous mes achats et locations de CD dans un petit carnet Moleskine : J’aurai dépensé 661,09 euros en musique (sans compter les CD offerts, une manière de manipuler les statistiques). Par mois, cela donne 55,09 euros. Par jour, 1,81 euros.
Mon engagement pour 2009 est de réduire ces dépenses à 1 euro par jour tout en maintenant la « qualité » des chambres d’écoute. Freiner la consommation et revisiter sa discothèque… Bonne année.
NB : le carnet Moleskine est consultable…
Parlez des chambres d’écoute autour de vous et manifestez-vous si la participation vous tente…
Merci merci merci
Axel
Midlife Crisis : A New Begining ?
Une chambre d’écoute/week end d’anniversaires proposée par Ingrid et Axel au gîte d’Arbrefontaine le 15 mai 2009


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