Agir collectif et culture partagée

dimanche, février 21, 2010

Cologne ville d’art/De Stockhausen à Kompakt


Une chambre d’écoute-brunch proposé par Axel Pleeck et Marc (Le Tartisan), le 21 février 2010 au Tartisan (Vleurgat)
12 euros
www.grandensemble.blogspot.com
Chambre d’écoute #18 Cologne ville d’art/de Stockhausen à Kompakt (Série Territoires imaginaires)

Pour cette 18 ième chambre d’écoute, nous avons clairement privilégié l’option psychogéographique. Je voulais ce midi, autour d’un brunch, honorer une ville qui exerce sur moi une certaine fascination ; fascination dont je peine à clairement définir les contours. Proposer cette chambre d’écoute participe de cette volonté de comprendre mais aussi de partager. Certaines personnes présentes ce midi sont déjà allées à Cologne (avec ou sans mon éclairage).
Cette fascination s’est développée pour devenir une attirance plus générale pour les villes moyennes. Glasgow, Alicante, Valladolid, Liège ont rejoints Cologne dans mon panthéon personnel (désolé aujourd’hui ce sera un peu plus égocentrique que d’habitude) et, pour chacune d’elles, une vision-du-monde se développe. Des voyages se mettent en place.

Cologne, ville d’art. D’abord pour un certain art de vivre. Ensuite pour ses musées. Et enfin, pour son statut de capitale historique de la musique électronique.
L’art de vivre. J’ai découvert Cologne lors d’un bref séjour de 30 heures pour un festival de musique électro-acoustique improvisée (voir infra). 30 heures de folies, comme un shoot de Cologne par intraveineuse. Cologne m’a dépucelé. Et jamais je ne retrouverai ce moment quasi virginal. Quelques temps après, nous cherchions, Ingrid et moi, un endroit pour passer quelques jours en amoureux. Quand, faute de mieux, j’ai proposé Cologne, Ingrid m’a regardé, sceptique comme si je lui proposais de passer le week end à manger des Bratwurst en lui disant Ich liebe dich avec une tendresse toute teutonique. Pourtant, une fois sur place, en quelques heures, elle était conquise. Et depuis nous sommes retournés une quinzaine de fois (avec des amis, des enfants, à deux, seul, etc.)
Cologne, c’est une ville assez moche (parce que détruite à 95 % pendant la guerre) et assez petite. Mais si on passe outre ce premier sentiment, on découvre une ville très attachante, une ville où l’art de vivre déborde des intérieurs pour s’installer sur les trottoirs. Une ville de goût, où l’art à droit de cité.
Ses Musées. Le Ludwig est un musée très beau, mais dont la beauté se donne par bribes. Ce n’est pas un de ces musées tape-à-l’œil qu’on vient voir du bout du monde (et dont pour finir on ne retient que l’enveloppe imaginée par un architecte de renom). Il est comme un dédale, surplombé par le Dom (la cathédrale qui restera toujours pour Elina, notre fille de 6 ans, la maison de Spiderman car elle l’a vu devant –un mime qui officiait pour le bonheur des touristes) et abrite une très belle collection qui change régulièrement.
La musique électronique. Stockhausen, on en a parlé dans l’invitation et on va l’écouter plus tard. Kompakt, surtout. Lors de mes 30 heures fondatrices à Cologne, je me suis laissé emmener par un groupe de trois jeunes Français dans l’antre de Kompakt, le Studio 672 qui a abrité durant de longues année la soirée TOTAL CONFUSION (véritable vitrine du son de Kompakt (dont on écoutera aussi l’un ou l’autre exemples). Le son Kompakt, si particulier, a cheminé dans mon esprit et mes pas de danse ont subi irrémédiablement son empreinte.
A-Muzik est le meilleur magasin de disques du monde… (mais ça je le dis souvent).
Merci d’être, une fois de plus, présents. Bonne écoute et à bientôt.
Merci à Marc, pour l’accueil et toutes les bonnes choses…












Tracklist

1/Karlheinz Stockhausen « Helikopter-Streichquartett (extrait) (interprété par le Arditti String Quartet)(Montaigne-Naïve) Ce quartet est un projet un peu fou (un peu mégalo diront les mauvaises langues) du maître de la musique contemporaine. Il s’agit de d’enregistrer un quartet pour cordes à l’intérieur d’un hélicoptère en train de décoller. Au sol des colonnes d’enceintes et d’écrans rendent compte au public de la progression (spatiale mais aussi sonore) de l’insecte géant et de ses occupants.
Né en 1928 à Mödrath (près de Cologne), il s’est éteint en 2007. En 1950, il participe à la création du WDR (Westdeutscher Rundfunk) qu’il dirigera à partir de 1962. En 1953, il compose sa première œuvre électronique (et crée ainsi un nouveau genre musical-ce qui sert à justifier mon affirmation de l’invitation comme quoi Cologne est la capitale historique de la musique électronique). (Sources : wikipédia et notes du CD)

2/Ulf Lohmann « Because-Thomas/Mayer remix » (Kompakt) On trouve cette belle variation du Because d’Ulf Lohmann sur Kompakt 100 ; le disque du label Kompakt qui célèbre le centième opuscule de la vénérable institution. La version originale est tout à fait différente (et je vous invite à regarder le clip sur youtube), beaucoup plus « ambiant ». Le personnage est mystérieux et je ne peux pas vous en dire grand-chose. Ce morceau est caractéristique du son de Cologne (et de Kompakt) : hypnotique, pas trop rapide. La ritournelle a vite fait de capter votre attention.

3/Reuber « Ruhig blut » (Staubgold) Voici un extrait du second album solo de Timo Reuber (qui est lui-même la moitié du duo Klangwart). Staubgold, ceux qui viennent souvent commencent à le savoir : Staubgold est un de mes labels préférés. C’est le bébé de Markus Detmers. Basé d’abord à Cologne, il a ensuite migré vers des terres plus globales (et sans doute plus rentables) : Berlin. Il n’empêche que Markus reste très fidèle à ceux avec lesquels il a commencé. Le site nous apprend que Ruhig blut signifie Keep cool et j’aimerais prendre cette expression comme le moto de Cologne. Cette ville oublie de se prendre trop la tête. Ce disque parle « de swinguer entre les pôles, entre la ville et la campagne, entre le travail et les loisirs, entre le beat et l’ambiant ». Je vous propose un extrait de cette longue plage de 22 minutes qui sonne comme un solo électronique de guimbarde…

4/Gas « Untitled » (Mille Plateaux) Le titre de ce morceau ne dit rien. Pour trouver du sens, il faut se reporter à l’album dont est il est issu : Königsforst. Cette vaste forêt se trouve près de Cologne, de l’autre côté du Rhin. Vous traversez un des ponts qui enjambent le fleuve mythique. Vous passez les quartiers de Deutz et de Kalk et vous entrez dans la forêt mythique de Königsforst. Cet album est un hommage de Wolfgang Voigt à la forêt. Nous sommes clairement dans la psychogéographie car la musique indique autre chose qu’une simple symphonie pastorale : une basse métronomique, une nappe de synthé et quelques accords de guitare. La magie opère dans cette simplicité. Avec son frère Reinhard, ils ont produits quelques unes des plus belles pages de la musique électronique ; mieux ils ont participé à la création du mythique label Kompakt qui vient de rééditer tous les enregistrements de Gas. Le plus fou est que je ne suis pas encore parti explorer cette fameuse forêt.
5/Schwabinggrad Ballet « Moderne Welt » (Staubgold) Cette formation est une intruse. Ils sont de Hamburg. Mais ils sont accueillis par Markus de Staubgold et je me permets de les programmer. Sur le site de Staubgold, on trouve les infos suivantes : The Schwabinggrad Ballet a été fondé en 2000 lors d’un camp antiraciste du collectif No Border. Le groupe a développé une stratégie flexible pour ses performances. Ils veulent créer de la confusion, casser les vieilles formes, politiser et réactiver (sic). The Schwabinggrad Ballet (dont le nom combine la mémoire de la pire défaite nazie et la première émeute innocente des musiciens de rues bohémiens de l’Allemagne) est un collectif ouvert qui fait partie d’un réseau gérant notamment le Buttclub à Hambourg. Le Buttclub organise des rencontres, lectures, concerts et autres activités poil-à-gratter de cette ville qui reste, pour moi, à explorer.

6/Harald « Sack » Ziegler « Meine Oma » (Staubgold) Harald Ziegler, Sack pour les intimes, est un vétéran de la scène Cassette (Allemagne années 80). Il est défini comme un artiste pop tendance techno-Dadaiste et est célèbre pour ses concerts où il mêle instruments d’enfants et électronique bon marché. Nous l’avons rencontré à Cologne lors d’un après-midi mémorable : un concert en plein air dans une sorte de jardin de sculptures privé. Cette chanson était à l’époque la préférée d’Eliott qui lui a parlé. Une légende à portée de mains, en somme.

7/Donna Regina « Favourite Human » (Karaoke Kalk) Donna Regina est issue de l’écurie Karaoke Kalk (un nom qui empreinte au quartier de Kalk) qui place ses pions sur l’échiquier de la musique électro-pop depuis une bonne dizaine d’années. Derrière le nom de Donna Regina, se cache le duo formé par Regina et Günther Janssen. Duo-couple qui n’hésite à parler de la joie de l’enfantement parmi d’autres plaisirs offerts par la vie. Je n’ai pas trouvé d’autres infos sur eux car le lien sur le site de Karaoke Kalk me fait atterrir sur le portail de l’hôtel Donna Regina à Naples (ah les mystères d’internet). Prenons ce morceau comme un coup de cœur pop en provenance de cette ville si douce.

8/Frank Heiss & Dr. Walker « To live and die in Cologne » (Liquid Sky Cologne) Ce titre vient comme une conclusion bruitiste et dérangeante de notre petite réunion. Ce morceau est issu de la compilation The Sound of Liquid Sky Cologne que j’ai acheté en 1997, bien avant de découvrir cette ville. A cette époque, quelque chose me fascinait dans ce projet de Dr. Walker : créer un « listening club » ; un club où l’on ne va pas danser mais bien écouter. Les chambres d’écoute s’inspirent, notamment, de ce projet. Merci à vous…








Chambres d’écoute à venir

#10 DJ Culture : 5X10 (cinq DJ passent les dix morceaux qu’ils préfèrent pour danser). Toujours retardée mais elle arrive…(Hors-série)
#19 H2O les qualités sonores de l’or bleu (série les 4 éléments). Avec un bar à eaux minérales comme au Japon.
#20 20X10en2010 la dixième chambre d’écoute rencontre la vingtième.
#21 New Weird America (Série Territoires Imaginaires). Les USA, un territoire qui fait à nouveau rêver ?
#22 Pour continuer en français, tapez 1. Le téléphone et ses détournements dans la musique (série Objets)
#23 Du doigté : la harpe et l’accordéon au format pop (série Instruments)
#24 Les figures de l’absence (hommage à Rachel Whiteread) (série Arts & Plastiques)
#25 Green Blue Red (Hommage à Elsworth Kelly) (série Arts & Plastiques)
#26 La Structure des révolutions musicales (sciences recherches musiques) (série para//èle)
#27 Chambre close/ musique et sexe (série para//èle)
#28 Messe pour le temps présent/ religions vs. musiques électroniques (série versus)
#29 Expéri-Métal/deux mondes que tout oppose ? (avec l’aide de Fabrice Altes
#30 Maîtres et Disciples/ l’école par la musique (série para//èle)
#18 Noise Vs. Silence : une double chambre d’écoute (avec tirage au sort pour savoir si on commence avec le bruit ou le silence) (série Versus)

Calendrier des prochaines chambres d’écoute à Congrès en 2010 (à vos agendas)

Mercredi 9 juin - Mercredi 15 septembre - Mercredi 17 novembre
Devenez membre exclusif des Chambres d’écoute…


Pour 6 euros (10 euros pour les amoureux), vous serez exempté de la TECC (la taxe pour l’écoute contextuelle et collective) et vous bénéficierez d’une multitude d’autres avantages et informations. Tout ça pour l’année 2010 (en cas d’inscription aujourd’hui, je vous rembourse la TECC de 2 euros).
Soutenez les chambres d’écoute et parlez-en à votre entourage…
Les chambres d’écoute sont une émanation enthousiaste de Grandensemble, le blog de l’Agir Collectif et de la Culture Partagée


www.grandensemble.blogspot.com

La ville commence pour ainsi dire quand on ne la voit plus, quand on est dedans, déjà baratté dans son mouvement[1]

Brunch et chambre d’écoute #18 : Cologne ville d’art/De Stockhausen à Kompakt (série Territoires imaginaires) au Tartisan le dimanche 21 février 2010 à midi

Une pause dans la vie active, une escapade dans l’histoire musicale de ma ville préférée : voici ce que je vous propose pour cette nouvelle chambre d’écoute.
Le Tartisan nous reçoit dans ses meubles, le temps d’un petit brunch (Marc est aux fourneaux) et d’une chambre d’écoute (Axel est aux platines).
Le dimanche, entre lessives qui tournent et désoeuvrements réparateurs, nous n’avons pas toujours d’occupation ; alors, comme en Allemagne, laissez vous tenter par un petit frühstuck (littéralement la pièce-tôt).
Le petit-déjeuner copieux est une véritable tradition dès qu’on dépasse Aix-La-Chapelle. Pour l’avoir expérimenté de nombreuses fois dans les belles adresses de Cologne, l’envie nous taraudait de le proposer ici à Bruxelles.
Au niveau sonore, nos recherches iront du côté du riche patrimoine de Cologne. Cette ville est en effet la capitale historique de la musique électronique (c’est là, dans les légendaires studios de WDR que Karlheinz Stockhausent –RIP- concoctait les premières expérimentations électroniques).
Voici le programme :
12h : ouverture des portes et petit café
12h15 : buffet-brunch
13h30 : chambre d’écoute sur Cologne, ville d’art

La participation est fixée à 12 euros et comprend le brunch, la TECC (Taxe pour l’écoute collective contextuelle) et les quinze premiers inscrits recevront le CD de la sélection.

Comment s’engager ?

En versant 12 € sur le compte 063-1645113-28 avec votre nom et la mention Cologne. Le nombre de places est limité à 30 personnes. Merci de vous signaler avant le 17 février.

Adresse : Le Tartisan, 186 chée de Vleurgat à 1050 Bruxelles
Mon nouveau gsm : 0478/134.064
Facebook : je l’ai crée mais le contrôle m’échappe…
Blog : lui au moins, je peux compter dessus : www.grandensemble.blogspot.com



[1] J’emprunte cette belle citation à Jean-Christophe Bailly, dans son livre La ville à l’œuvre aux éditions de l’Imprimeur.

Chambre d’écoute # 17 Gender Studies : musique et identités sexuelles (Série Para//èle)

Escale presque hivernale pour les chambres d’écoute. Le lieu de ce nouvel arrêt est connu : Congrès, la gare culturelle ou comment transformer un non-lieu en centre culturel.
Vous avez répondu à l’appel et, pour cela, nous vous remercions. Les réservations étaient plus timorées mais, au final, une bonne vingtaine de personnes fait le déplacement.
Ce soir, nous écouterons une série de morceaux qui abordent de front (ou de manière plus détournée) la question des identités sexuelles. Ce sujet était en projet depuis longtemps mais il émerge seulement maintenant, grâce à l’appui de Sabine et de François (et grâce à l’accueil de Congrès).
La musique est un terrain privilégié pour affirmer des choix ou pour mener des combats. Nous avons essayé de traquer l’authentique (ne pas succomber au marketing qui aime parfois jouer sur le fil de l’ambiguïté pour des raisons commerciales).
Homosexualité, transsexualité, définition des rôles et des attributs, clichés et hétérocentrisme : voilà certains sujets qui ont croisé notre parcours.
Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois et nous avons décidé de mêler nos morceaux (comme précédemment).









Gender Studies : musique et identités sexuelles / Tracklist

Ultra-red «Public adress (extrait) » (Mille Plateaux)
Ce morceau est extrait de Second Nature/an electroacoustic pastoral. Je possède ce CD depuis longtemps et je l’ai toujours apprécié pour des raisons qui m’échappent.
Les membres du collectif Ultra-red se définissent comme des activistes sonores. Ils sont très à gauche sur les questions des minorités sexuelles ou, plus récemment, sur les problèmes liés aux droits intellectuels.
Second Nature est un moment de lutte qui a duré trois ans. Le Griffith Park à Los Angeles est un parc où ont lieu des « relations sexuelles entre personnes de même sexe ». C’est le plus grand parc municipal du monde. Le disque d’Ultra-red est une vaste réflexion sur le sexe et l’espace et la pénalisation du sexe en lien avec l’espace. Vaste fresque sonore qui mêle discours, paysages sonores et manipulations de studio, ce CD est un hommage au parc comme seconde nature, dans la ville. Le parc ne doit pas, au nom de cette seconde nature, écraser les différences de ses usagers.

DJ Sprinkles «Midtown 120 Intro» (Mule Musiq)
Ce disque de Terre Thaemlitz est une ode curieuse à la musique House dans ce qu’elle a de plus pur : une voix off sur un fond musical raconte véritablement les aventures d’un genre musical. Pour le vétéran de la musique électronique, la house est née au milieu des années 80 à New-York, dans les clubs de drag-queen. Quelques années plus tard, Madonna va tuer le mouvement en sortant Vogue, un single où elle singe la culture queer.
Thaemlitz arrive à New-York en 1986. Il débarque de son Missouri natal où il subissait chaque jour les attaques verbales (et autres) : on le considérait comme un queer-fag-pussy-AIDS-bait (si vous ne maîtrisez pas la langue d’Oscar Wilde, demandez à votre voisin la traduction de cette poétique expression). Assez rapidement Terre trouve des clubs où se rassemblent les gens comme lui, créant ce qu’il nommera une « communauté des isolés ». C’est à ces clubs, ces gens et cette musique qu’il entend rendre hommage.
Rythm King and Her Friends « Queer Diskotek »
« Je vais à la discothèque, c’est un endroit essentiellement féminin.
C’est ici que je rencontre mes copines. Je connais bien la DJ ».
Rhythm King and Her Friends est un trio féminin, qui combine musique électro et engagement féministe. Se revendiquant du post-punk féminin des années 80 (Au Pairs, Bush Tetras, The Slits …) et du mouvement « Riot Grrrls », le groupe a la particularité de chanter en trois langues, l’anglais, le français et… le bulgare. Rhythm King « souligne l’importance de l’identité queer du groupe: “Parce que nous faisons une musique qui est proche de notre vie. Et parce qu’un tel groupe n’existait pas auparavant, que ça manquait dans les fêtes et les rassemblements”. Musique engagée ? Sans aucun doute. Mais lorsqu’on demande à Pauline si Rhythm King revendique l’étiquette de groupe queer féministe, la réponse est mitigée. Il y a d’un côté la satisfaction d’être reconnues en tant que telle, comme un pas en avant. De l’autre pourtant, reste la conscience lucide que toute catégorisation représente une limite. “C’est une partie de nous. Mais notre musique ne se réduit pas à cela”. »
(Rythm King and Her Friends, un portrait de Aline Guillermet / Le Courrier).

Chumbawamba « Homophobia » (One Little Indian)
Ce morceau est l’œuvre d’un véritable collectif de gauchistes partisans de l’Agit-Prop, avant d’être récupéré par le marketing et le football (cfr. Notice de Chumbawamba de la chambre d’écoute précédente). Ici, ils rendent hommage à une jeune gay qui s’est fait « fracasser le crâne sur le caniveau » par une bande de brutes en liberté. Cela commence doucement a cappella mais la marche funèbre rattrape vite le cortège et le chœur. Ce morceau est le point de départ de cette chambre d’écoute.

Baby Dee « The only bones that show » (Drag City)
Pour Baby Dee, la question du genre ne doit plus être posée. Elle l’ennuie. Elle préfère que l’on parle de sa musique. Hermaphrodite de cirque, organiste à l’église catholique, musicien de rue (une harpe sur un tricycle) ; la carrière de Baby Dee est passée par des hauts et des bas mais en 2000, il est invité à jouer de la harpe sur le premier album d’Anthony & the Johnsons. Ont suivi deux albums où le piano et la harpe donnaient à sa voix une ambiance élégiaque. Pour ce troisième album (le premier pour le label Drag City), une basse et une guitare sont venus compléter la palette. La voix de Dee est celle d’un véritable performer. Le cabaret n’est pas loin. Pourquoi ce nom Baby Dee ? « Ce nom m’a été donné par un autre transsexuel au Pyramid Bar de NY où je dansais sur le bar ». (infos trouvées dans la revue The Wire)

Coco Rosie & Antony Hegarty « Beautiful Boyz »
« All those beautiful boys
Pimps and queens and criminal queers
All those beautiful boys
Tattoos of ships and tattoos of tears »
«Ces dernières années, une nouvelle génération d’artistes subversifs émergent sur la scène artistique et musicale. [...] Des artistes comme [...] Antony Hegarty ou Bianca Casady (la moitié du duo Coco Rosie) - ouverts, libres et ambigus - bousculent nos idées reçues sur les catégories masculines et féminines, apportant une nouvelle compréhension de l'identité et de la beauté d'être sincère. Antony Hegarty est connu pour son projet «Antony and the Johnsons, avec lequel il a remporté le prestigieux Mercury Prize (le «Goncourt» britannique de la musique) en 2005. « Sa voix extraordinaire […] est entièrement asexuée et pourrait tout aussi bien appartenir à un homme blanc qu’à une femme noire. Qu’Antony lui-même défie toute catégorisation n'est pas un secret. A la question portant sur son corps transgenre, Antony répond: "On pourrait croire que Dieu vous a joué un tour, ou vous pourriez penser que c’est la culture et la société qui vous ont joué un tour, en considérant qu'il n'y a pas de place pour vous. Eh bien, il yen a ». (Viktoria Pelles,«The Gender Performance», septembre 2009, http://www.electronicbeats.net). Le duo Coco Rosie incarne également cette approche transgenre, en particulier dans le chef de Bianca Cassidy, qui arbore la plupart du temps une moustache. Le morceau présenté est une collaboration entre Antony et Coco Rosie, où paradoxalement la voix grave est jouée par Bianca alors que le refrain est repris par la voix céleste d’Antony.




Matmos « Public sex for Boyd McDonald (Matador Records)
Doit-on encore présenter le duo Matmos (fort de leur troisième apparition aux chambres d’écoute) ? Par respect pour les nouveaux venus, oui ! C’est un couple d’hommes qui pratique avec un certain génie (si si) la rencontre entre la musique électronique et les enregistrements de terrain (field recordings). Cet extrait est issu de leur album The rose has teeth in the mouth of a beast ; album qui rend hommage, de façon certes iconoclaste, à leurs héros littéraires.
Il est trop tard pour googler ce nom que nous ne connaissons pas mais le public sex en question n’est pas une affaire de rhétorique : ce sont de vrais prises en direct de relations sexuelles dans un parc (comme un écho à la quête d’Ultra-red).

Peaches « I feel cream » (XL Recordings)
Merril Beth Nisker est une artiste canadienne qui mêle une musique électro simple avec des paroles ouvertement sexuelles. Jusqu’ici, rien de spécial. La mélodie est accrocheuse mais c’est en concert que Peaches attrape ses lettres de noblesse. Elle se joue de tous les clichés et de tous nos fantasmes. Elle multiplie les genres en les croisant sans cesse et en renvoyant dos-à-dos nos représentations.
Nous nous souvenons d’un concert au Botanique : Merril, très sexy sans être d’une beauté évidente, fait un strip-tease. Un homme près de nous, muni d’un genre de petit caméscope devient tout fou. Au moment où elle est en sous-vêtements, elle prend sa culotte, la déroule (car c’est un body) et se rhabille. L’homme est tombé dans le panneau. Cette anecdote résume assez bien le personnage. En jouant à l’effeuilleuse, l’artiste renvoie à l’homme et à la femme une image déformée des sexualités. I feel cream est l’histoire d’une nuit d’amour entre un homme et une femme. Qui joue le rôle de qui ? Qui se laisse vraiment aller à être lui-même ?

Miss Kittin « 3e Sexe »
DJ et musicienne (seule ou en duo avec The Hacker) dans un domaine – l’electro - où les femmes sont fort peu représentées, Miss Kittin reprend, dans une version atmosphérique, le titre « 3e sexe » créé par Indochine en 1983, chanson emblématique qui évoque la bisexualité, le transgenre et l'androgynie.

Benjamin Britten «Diversions for piano (left hand) & orchestra » (EMI) vs. Ultra-red « Curbed behaviors (no park queen remixed by Terre Thaemlitz)
Le plus gay des compositeurs contemporains. Il a composé toute sa vie pour son amoureux Peter Pears. Je le propose aussi car il a écrit Billy Bud, un opéra uniquement composé d’hommes et il a adapté Mort à Venise, le roman de Thomas Mann joliment ambigu.
Ecoutons un extrait de ces petites pièces pour piano (main gauche) et orchestre. Je ne suis pas musicologue mais je vois dans cette formule un individu (la main, gauche de surcroît) face à la société (l’orchestre) : dialogue, affrontement…
Dans le fond, le grand retour d’Ultra-red. Parce que rien n’est jamais simple…

Burka Band « Burka Blue (Barbara Morgenstern Mix) » (Monika Enterprises Records)
Fondé par Gudrun Gut, figure emblématique de la scène punk et électro berlinoise depuis la fin des années 70, le label Monika Entreprise entend promouvoir les artistes féminines dans le domaine de la musique électronique, qui n’est pas beaucoup moins sexiste que ne l’était le rock des années 60 et 70. Le label a déjà sorti trois compilations « 4 women no cry » invitant à découvrir quatre musiciennes et comprend dans son catalogue Cobra Killer, Barbara Morgenstern (déjà entendue ici), Gudrun elle-même ou encore le Burka Band. Ce groupe est le fruit d’un projet musical lancé par des musiciens allemands en Afghanistan et est composé de trois femmes (?) afghanes anonymes, couvertes d’une burka. On les voit sur une vidéo (tapez « Burka Band » sur Youtube), toute de burka vêtue, s’affairer autour d’une basse, d’une batterie et d’un micro, dans la clandestinité d’une cave de Kaboul. Le Burka Band est « officiellement » présenté comme le premier groupe pop féminin afghan, mais il est difficile de dire si tout ceci relève du happening situationniste (les médias allemands ont repris l’histoire sans vérifier) ou de l’expérience authentique. Quoi qu’il en soit, les paroles ironiques et absurdes de la chanson « Burka Blue », parue en 2005 sur l’EP éponyme et remixée par Barbara Morgenstern, renvoient de manière fort réjouissante dos à dos intégristes talibans et occidentaux bien-pensants.
« My mother wears a burka, I must wear a burka too. We all wear a burka, we don't know who is who. Blueee, burka blue.
The sky is over Kabul is also very blue, the blue is from the burks. burka burka blue.
My grandma wears a burka, mygrandpa does it too, I will wear this burka but only just for you.
We all now wear a burka, you don't know who is who, if you want to meet your sister, it can be your uncle too.
You give me all your love, you give me all your kisses, and then you touch my Burka and do not know who is it.
My mother wears blue jeans now, and I am so surprised, the things are changing more faster, I don’t know if it’s right… »

Tracy + The Plastics « Oh birds » (Too Pure)
Derrière ce nom bizarre, il y a Wynne Greenwood. Une jeune personne qui doute tellement de son identité qu’elle s’invente un groupe où elle occupe tous les postes. Cela ressemble à une vaste supercherie égocentrique mais c’est simplement un mal/bien-être créatif. Le CD est double-face. Sur le verso, un DVD accueille les tentatives de Wynne pour nous tromper sur le nombre exact de participant(e)s à cette aventure.
Wynne joue donc les trois rôles, des hétéronymes crées comme le grand poète Fernando Pessoa : Nikki aux claviers, Cola à la batterie et Tracy au chant. En live, elle joue avec des images d’elle jouant les autres instruments… (sic) ! Elle parle même à son groupe (à ses images) entre les chansons. Vous me suivez ? Non ? Alors écoutez !

Nina Simone « Four women » (EMI)
Dans Four Women, « Nina explore les sentiments de quatre femmes noires. Leurs couleurs vont du plus clair au plus foncé, “ce qui affecte profondément leur conception de la beauté et de leur valeur”. Nina dresse le portrait décapant de la soumission de la femme noire américaine, esclave de sa beauté ou de sa naissance pour survivre. Nina semble dire que tant que les femmes noires ne sauront accepter leur beauté négroïde en lieu et place de celle dictée par les blanches, elles ne pourront sortir de leur asservissement. Chanson féministe s’il en est, Four Women est aussi l’exploration par Nina de tous ces masques, de tous ces visages. Car elle fut tour à tour ces quatre femmes » (David Brun-Lambert, Nina Simone, Flammarion, 2005, p. 168). Le dernier couplet évoque Peaches, une femme noire en colère, prête à tuer. C’est par référence à ce personnage que l’artiste canadienne Peaches a choisi son nom de scène…

« Ma peau est noireMes bras sont longsMes cheveux sont crépusMon dos est fortAssez fort pour supporter la douleurInfligées encore et encore
Comment m’appelent-ils ?Mon nom est tante SarahMa peau est café au laitMes cheveux sont longsMa place est entre deux mondesMon père était riche et blancIl a forcé ma mère un soirComment m’appellent-ils ?Mon nom est Saffronia
Ma peau est tannéeMes cheveux sont beauxMes hanches vous invitentMes lèvres sont comme le vinDe qui suis-je la petite fille ?De quiconque a de l'argent pour m’acheterComment m’appellent-ils ?
Mon nom est « Sweet Thing »Ma peau est bruneEt mes manières sont rudesJe suis prête à tuer le premier connard que je vois]Car ma vie a été dureJe suis terriblement amer ces jours-ciParce que mes parents étaient des esclavesComment m’appellent-ils ?Mon nom est Peaches »


En guise de prolongements

Ok, j’ai eu du mal à respecter mes engagements en ce qui concerne les prolongements mais c’est dû à un agenda qui fonctionne à flux tendu (vous savez tous que les profs ne font rien). Je me refuse d’abandonner. Si nous n’y allons pas ensemble, allons-y en cachette. Voici une petite sélection.

1/ Vendredi passé, il y avait à Bozar une avant-première d’un film qui ne manquera pas de nous intéresser : « La Domination masculine » de Patrick Jean. Voici le petit texte que l’on trouvait sur le site :
« Je veux que les spectateurs se disputent en sortant de la salle », c’est ce que disait Patric Jean en tournant « la domination masculine ».Peut-on croire qu’au XXIème siècle, des hommes exigent le retour aux valeurs ancestrales du patriarcat : les femmes à la cuisine et les hommes au pouvoir ? Peut-on imaginer que des jeunes femmes instruites recherchent un « compagnon dominant » ? Que penser d’hommes qui subissent une opération d’allongement du pénis, « comme on achète une grosse voiture » ?Si ces tendances peuvent de prime abord sembler marginales, le film nous démontre que nos attitudes collent rarement à nos discours. L’illusion de l’égalité cache un abîme d’injustices quotidiennes que nous ne voulons plus voir. Et où chacun joue un rôle.A travers des séquences drôles, ahurissantes et parfois dramatiques, le film nous oblige à nous positionner sur un terrain où chacun pense détenir une vérité. « La Domination masculine » jette le trouble à travers le féminisme d’un homme qui se remet en question. Une provocation qui fera grincer des dents… »
http://ladominationmasculine.net/
L’avant-première est passée mais guettons les programmes pour la sortie en salle.

2/ Expo « Moi, sans aucun doute » au Kunstmuseum de Wolfsburg, jusqu’au 28 mars 2010. De Boltanski à Beat Streuli, de Bruce Nauman à Cindy Sherman, l’art contemporain questionne l’identité de soi et des autres.

Chambres d’écoute à venir

#10 DJ Culture : 5X10 (cinq DJ passent les dix morceaux qu’ils préfèrent pour danser). Toujours retardée mais elle arrive…(Hors-série)
#18 Noise Vs. Silence : une double chambre d’écoute (avec tirage au sort pour savoir si on commence avec le bruit ou le silence) (série Versus)
#19 H2O les qualités sonores de l’or bleu (série les 4 éléments). Avec un bar à eaux minérales comme au Japon.
#20 20X10en2010 la dixième chambre d’écoute rencontre la vingtième.
#21 New Weird America (Série Territoires Imaginaires). Les USA, un territoire qui fait à nouveau rêver ?
#22 Pour continuer en français, tapez 1. Le téléphone et ses détournements dans la musique (série Objets)
#23 Du doigté : la harpe et l’accordéon au format pop (série Instruments)
#24 Les figures de l’absence (hommage à Rachel Whiteread) (série Arts & Plastiques)
#25 Green Blue Red (Hommage à Elsworth Kelly) (série Arts & Plastiques)
#26 La Structure des révolutions musicales (sciences recherches musiques) (série para//èle)
#27 Chambre close/ musique et sexe (série para//èle)
#28 Messe pour le temps présent/ religions vs. musiques électroniques (série versus)
#29 Expéri-Métal/deux mondes que tout oppose ? (avec l’aide de Fabrice Altes
#30 Maîtres et Disciples/ l’école par la musique (série para//èle)


Ethique et statistiques

Rappel : Les chambres d’écoute sont réalisées 100 % sans téléchargements illégaux. La majorité des musiques de ce soir sont achetées ou louées à la médiathèque. Les chambres d’écoute ne génèrent aucun profit et sont très chronophages pour les organisateurs. La TECC (la taxe pour l’écoute collective et contextuelle) sert à financer les divers petits frais.
En 2008, j’ai consigné scrupuleusement tous mes achats et locations de CD dans un petit carnet Moleskine : J’aurai dépensé 661,09 euros en musique (sans compter les CD offerts, une manière de manipuler les statistiques). Par mois, cela donne 55,09 euros. Par jour, 1,81 euros.
Mon engagement pour 2009 est de réduire ces dépenses à 1 euro par jour tout en maintenant la « qualité » des chambres d’écoute. Freiner la consommation et revisiter sa discothèque… Bonne année.
NB : le carnet Moleskine est consultable…

Juin 2009 : je suis sur la bonne voie, la voie décroissante. Je n’achète plus beaucoup de disques. Je ferai le décompte à la fin de l’année.
Décembre 2009 : je n’ai pas respecté mes engagements : j’aurai dépensé 1, 38 par jour. C’est dur de résister aux sirènes de la consommation.
Mon engagement pour 2010 : respecter mon engagement de 2009.


Parlez des chambres d’écoute autour de vous et manifestez-vous si la participation vous tente…

Merci merci Axel, Sabine et François